Un exercice qui vire à l'extrême [PV Etienne]

J'ouvre les yeux, et le soleil m'éblouit aussitôt. A côté de moi, en conductrice, Kelly, notre tireuse d'élite. Derrière, -je sais qui ils sont sans les voir- John, expert en armes lourdes, prêt à rejoindre la tourelle de notre Humvee au moindre pépin, et à sa droite, Charles, qui pour l'instant démonte et remonte son arme. C'est mon escouade. Les Devils.

Notre véhicule de reconnaissance file à-travers la campagne japonaise en direction de la ville, afin de rejoindre trois unités des Marines dans le cadre de l'exercice Joint Strike Assault 6. Exercice pour lequel notre escouade et les autres de la Base se préparent depuis près d'un mois. Je souris en prenant des balles d'exercices, sortes de billes de peinture rouge. Avoir l'aval des autorités japonaises pour cet exercice avait demandé beaucoup d'efforts, puisque la première partie de l'exercice devant se dérouler en ville. Les civils auraient très bien pu penser à une guerre se déroulant sous leurs yeux.

Heureusement, tout le quartier fut prévenu, et bouclé par les forces de police. Le but de l'exercice est de voir quelle sera la vitesse de réaction de nos forces en cas d'attaque, ou d'alerte majeure. Les Marines récemment débarqués servant d'adversaires. La radio grésille un instant, et je met un instant à essayer de comprendre qui rompt le silence radio imposé par le Commandement.

- A toutes les forces américaines participant à l'exercice JSA6, annulez, annulez, annulez. On a une prise d'otage en plein centre-ville, coups de feu, il y a peut-être des victimes civiles. Les forces de police n'y seront pas à temps, les autorités de la ville nous ont demandé d'intervenir. Passez en munition réelles, et intervenez. Marines, bouclez la zone, escouade Devil, vous êtes la plus proche actuellement, allez-y. Minimisez les pertes. Overlord, terminé.
- Devil 1 accuse réception, on y va, je déclare à la radio avant de me tourner vers mon escouade. O.K. les gars, changez de munitions, et préparez-vous. Je veux du professionnalisme, tirez pas n'importe où !

L’adrénaline me frappe comme un coup de fouet, tandis que mes mains s'agitent fébrilement, rangeant les balles d'exercices, et chargeant les fameuses munitions de 5,56mm dans mon M4A1. Je prends l'arme de Kelly et fait de même, étant donné qu'elle est notre conductrice. On pénètre dans la ville, et je peux voir déjà le mouvement de panique qui s'est emparé de la population. Beaucoup court à contre-sens, tandis que les forces de polices débordées tentent de maintenir l'ordre.

- Devil 1 arrive au centre-ville dans 2 minutes, je lance à la radio.
- Bien compris Devil 1, faites attention à vous, les preneurs d'otages seraient armés d'AK-47, et d'au moins un RPG-7. Les Marines ont bouclé la zone, et une unité se tiendra prête à vous assister si besoin est.

Merde.S'ils ont un lance roquette, c'en sera autrement plus compliqué. Notre véhicule ne résistera pas à un tir direct. Je le sais pour l'avoir vu. Je nous fait arrêter dans un dérapage à deux pas du centre-ville désert. Je sors la première du véhicule, arme au poing. Le centre-ville est juste après cette rue. Je sors à découvert et commence à courir pour me mettre à l'abri derrière une voiture, suivie de mon escouade. On ne se fait pas tirer dessus, ce qui est appréciable j'imagine.

Je jette un coup d’œil par-dessus le capot et voit trois hommes, dont deux tiennent en joue des civils. Le dernier a un porte-voix et une Kalachnikov entre les mains. Tous portent des cagoules.

- Aux forces américaines ! Je veux un négociateur, j'men fiches qu'il soit armé, mais au moindre geste suspect, j'abats ces deux types !
- J'y vais, je murmure à mes hommes. Kelly, en position derrière le camion. John, tu restes ici avec la MG. Charles, derrière la voiture bleue à trois mètres. Soyez prêts à mon signal.

Et sur ce, je sors de derrière la voiture, m'attendant presque à me faire tirer dessus, et m'avance, fusil baissée mais sécurité retirée. Ces types n'auront jamais ce qu'ils veulent. Au mieux, ils se rendront sans faire d'histoires. Au pire, les otages seront exécutés. On va essayer d'éviter ce cas de figure. Mon escouade connaît son boulot. Kelly va s'occuper d'un des preneurs d'otages, John de l'autre. Et moi du chef. Sauf si ça va de travers.

- D'accord. Je suis la négociatrice. Qu'est-ce que vous voulez ?

Encore une de ces journées sans le moindre intérêt pour Etienne...Encore une de ces journées au cours de laquelle il a encore une fois décidé de ne pas se rendre en cours au lycée...Ce n'est pas tant la présence d'autant de filles dans sa classe qui le dérangent...Le véritable problème c'est que les gens osent venir lui parler...Et franchement s'il y a bien une chose dont il n'a cure ces temps-ci, c'est vraiment de se rapprocher des autres...Après tout, est-il sûr de rester longtemps ici? Quelques jours? Mois? Années?...Depuis que sa mère est morte des suites d'un cancer, Etienne est obligé de suivre son artiste de père un peu partout à travers le monde...Et ces voyages l'ont détruit socialement, du fait qu'il ne restait jamais assez longtemps pour tisser des liens avec les autres...Il a donc pris la décision de ne plus jamais s'attacher à qui que ce soit...Les départs sont ainsi moins douloureux...

Ne se rendant plus en cours, il se ballade à travers les rues de la ville, en quête d'inspiration...La moindre chose qui pourrait chatouiller cet esprit créatif qu'il tient de son paternel...Un carnet de croquis dans sa sacoche, quelques crayons...Tout ce qui lui faut...Mais aujourd'hui les choses n'ont pas l'air habituelles...Personne dans la rue...Bien que cela puisse être étrange, Orak s'en contrefiche...Au moins il n'y aura personne pour le déranger si jamais il doit griffonner le papier...Continuant d'un pas tout à fait quelconque sa promenade, il entre dans une autre rue...Déserte elle aussi...

-Serait-ce un jour de congé? A moins d'une épidémie...

Sur cette petite réflexion, il poursuit son chemin, et entend un coup de feu retentir...Sur le coup, il trouve un coin de ruelle et décide de s'y réfugier...Mais rien ne vient dans les alentours...Pris d'une certaine curiosité, il décide de s'approcher du lieu de la détonation...Après quelques minutes d'une progression lente, il arrive à un coin de rue où il se trouve être aux premières loges de ce qui semble être une prise d'otages...S'assurant qu'il n'ait pas été vu, il sort alors avec hâte son carnet et un crayon...

-Pouvoir dessiner pareil spectacle, c'est une occasion que je ne peux pas me permettre de rater...

Commençant à gratter le papier, il entend un bruit de crissement de pneus provenant de l'autre bout de la rue...Un Humvee apparaît, dévalant l'avenue et stoppant sa course à quelques mètres du groupe de preneurs d'otages...L'un des membres du groupe crie alors:

- Aux forces américaines ! Je veux un négociateur, j'men fiche qu'il soit armé, mais au moindre geste suspect, j'abats ces deux types !

Une femme sortit alors du véhicule, armée d'un fusil, et se présenta face aux bandits...

- D'accord. Je suis la négociatrice. Qu'est-ce que vous voulez ?

Je n'ai pas peur. J'ai beau être tenue en joue par un type à l'air menaçant, je ne ressens rien. Mon entraînement a pris le dessus. Je sais que mon escouade se déploie discrètement derrière moi. Ces types n'ont absolument aucune chance. Mon écouteur grésille un instant avant d'entendre la voix claire de Kelly.

- Devil 3. En position. A ton signal sergent, murmure-t-elle.
- Devil 2, souffle Charles. J'ai la cible en visuel.
- Devil 4, j'ai votre interlocuteur dans ma ligne de mire. Décalez-vous à gauche ou plongez au sol quand vous donnerez l'ordre.

Pendant ce temps, j'adopte une posture neutre, en attendant que l'homme ait fini de me détailler. De la main, j'indique à Kelly de vérifier les environs, afin qu'on ait pas de mauvaises surprises. L'homme m'observe intensément, et dans ses yeux brillent une détermination absolue.

- O.K. sergent. Laissez votre arme dans sa position et écoutez bien, j'me répèterais pas. Nous voulons la libération immédiate de Kyle Nes, ...
- Devil 3 au rapport, chuchote-t-elle dans mon oreille d'un ton empressé. J'ai un individu non-identifié en train d'écrire quelque chose... Classification comme civil, peut-être un élément de la presse.
- ...Jorge Kuran et Yan Turlan que vous retenez illégalement ! Nous ne sommes pas des terroristes, nous voulons la libération des innocents !

Je ne connais absolument pas ces types, mais à la limite je m'en fiches. Mon cerveau commence à réfléchir à toute allure. Pour l'intervention, il ne devrait pas y avoir de problème. La présence de la presse est en revanche autrement plus compliquée. Ils induisent des risques inutiles, et le coup d’œil d'un des preneurs d'otages dans la direction du scribouillard m'indique que eux aussi l'ont repéré. Il faut intervenir vite, avant qu'ils ne décident de faire quoi que ce soit. En plus, rien ne me prouve qu'ils n'ont pas un sniper caché dans un bâtiment.

Trêve de réflexion. La police doit normalement faire trois sommations avant d'avoir le droit d'ouvrir le feu, à moins qu'on leur tire dessus avant. Heureusement qu'on ne fait pas partie de la police.

- D'accord, je dois en référer à mon Commandement...

Je me jette à terre. Mes hommes connaissent la chanson et tirent au moment où j'achève ma dernière syllabe. La balle touche le premier en plein front, une rafale découpe le type au mégaphone, et le dernier... Le dernier -celui de Charles- ne tombe pas.

Tout se passe au ralenti. Je vois l'impact de peinture rouge sur son front, je le vois paniquer en voyant ses deux camarades tomber, puis je le vois courir à couvert en direction du journaliste.

Je me relève, et me mets à courir moi aussi, cherchant à comprendre quel idiot n'a pas remplacé ses munitions. Puis je comprends. La solution est tellement évidente que j'en aurais ris si le type de la presse n'allait pas se retrouver mort dans quelques instants si je n’attrapais pas le terroriste. Charles a remplacé son chargeur évidemment... Mais la première munition chargée, celle qui est restée... est une bille d'exercice. Un détail d'habitude, un détail pas mal de fois oublié... et qui cette fois a des conséquences plus ou moins graves, en fonction de ce que je vais réussir à faire.

Je le vois en train de courir tête baissée derrière des voitures, je n'ose pas tirer de peur de toucher le jeune homme, et je sprinte au maximum de mes capacités. Je le rejoins au moment où il atteint le journaliste et me jette sur lui, le faisant tomber à terre. Mû par un réflexe, il m'envoie un coup de botte dans le visage, me fendant la lèvre. Je lui agrippe les jambes tandis qu'il tente de s'échapper, mais il se retourner et pointe un pistolet sur ma tête.

Le canon noir et froid est annonciateur de mort. De ma mort dans ce cas précis. Et alors que je croyais ma vie insignifiante, je m'aperçois que je ne suis pas prête pour mourir. J'ai peur...

Le coup de crayon vif, une première esquisse se dessine sur le papier du lycéen, il s'assure à ce que personne ne l'ait repéré...Alors absorbé par sa créativité, l'un des preneurs d'otages prit la parole et s'adressa à la femme armée:

- O.K. sergent. Laissez votre arme dans sa position et écoutez bien, j'me répèterais pas. Nous voulons la libération immédiate de Kyle Nes, Jorge Kuran et Yan Turlan que vous retenez illégalement ! Nous ne sommes pas des terroristes, nous voulons la libération des innocents !

Peu importe qui sont ces gens pour Orak, il continue de dessiner, mais soudain, il entend une voix:

-Hé les gars, quelqu'un nous espionne...

*-Merde, je suis repéré...*

Rangeant furtivement son attirail, il se mit à courir dans l'avenue à toutes jambes pendant que des coups de feu retentirent...Il ne cherche pas à se retourner, s'il s'arrête, il peut se faire tirer dessus...Il entend alors des bruits de pas qui se rapprochent de lui...Un de ces bandits? La femme? Quelqu'un d'autre? Pas le temps de réfléchir, la survie compte plus que tout...Les bruits de pas semblent de plus en plus proches...Essayant de tendre une oreille, ce n'était pas une mais deux personne qui étaient après lui...Etienne tente d'accélérer sa course, mais il commence à être à bout de souffle...Il sent d'ailleurs celui de l'un de ses poursuivants s'approcher...Soudain, un bruit sourd, comme une personne tombant à terre, se fait entendre...Orak se retourne brièvement et entrevoit la femme maîtriser un type cagoulé et lui pointer une arme...Pas le temps de tergiverser ni l'envie de rester ici, Orak court à travers une ruelle...